A propos de La Belle Zélie
Pour autant qu’un auteur puisse raisonner utilement au profit du lecteur, sans plus de précautions oratoires essayons cela de La Belle Zélie :
On comprendra que Zélie se tient en retrait d’une société qu’elle a jugée définitivement d’une tout autre manière que son compagnon de rencontre des quais occupé à chercher le transcendant individuel dans une dialectique énigmatique, énergumène, tutélaire, métalangagière, voire cosmique en tout cas métaphysique, nonobstant tout académisme en la matière, dans un monde anéanti sous son regard et sa compréhension complexe subtilement douloureuse, par un consumérisme ravageur en voie d’idéologiser le peu de conscience restant dans les principes en concurrence dans le peu d’air disponible dorénavant à l’animal humain sous la stratosphère. Les deux à leur façon chacun, leur sexe et tempérament, tenteront le risque d’une reconnaissance mutuelle dans ce monde hostile à leurs haute sensibilité et définition poétique de l’individualité. Rien n’est épargné au lecteur, ni gagné, des difficultés du réel sociétal arbitraire en ses conventions de malheur institutionnel. Que reste-t-il d’une approche amoureuse quand elle est si peu codifiée ? Car la société des hommes établit les codes fussent-ils changeants à l’usage et selon les intérêts temporels diversement idéologiques dont le malaise présent dans la culture ne fait pas mentir Sigmund Freud dans la problématique civilisationelle.
Rien ne tient au regard de Tancrède Rondin journaliste dont les habitudes, qui ne lui sont pas une seconde nature structurante, forment un système obsessionnel dont il est en passe de subir un lourd revers psychologique. Zélie l’assiste dans la distance, c’est une solitaire armée pour la route du désespoir assumé. Son corps la défend à son esprit défendant… où et comment assume-t-elle sa sensualité féminine dont l’énigme met au monde l’acuité forcenée du narrateur ?
Le ton de la fiction s’il est poétique n’occulte pas les convictions désobligeamment pessimistes du scripteur même s’il implique une écriture enjouée, divertissante, hyperbolique à souhait on comprendra que toutes les terminaisons en isme si chères à ses contemporains lui sont une offense privée. Le rire qui laisse un écho de bêlement grégaire, ou bien percevoir les canines ironiques du sarcasme, n’a cependant rien à assumer où la dérision étouffe des larmes de crocodile dans le zoo humain. C’est pourquoi il est temps de libérer les bêtes de leur servitude décorative aliénée ainsi que les subtilités humaines marginales non moins aliénées décorativement au tourisme universel. Nous pouvons croire toutes les fictions, le roman noir surtout, dans un monde obscurément virtuel avant sa disparition historique, ainsi le pense Tancrède Rondin avec l’assentiment de l’auteur.
Daniel Juré
août 2018